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Un homme aux mille vies, journaliste de radio et de télévision au parcours hors du commun. Un passionné qui a su donner sa voix à une France profonde et oubliée. Pierre Bonte, cet amoureux du monde rural, nous invite à un voyage privilégié au cœur de ces terres du Périgord.

Il est des rencontres qui marquent une vie. Telle cette soirée de début octobre, dans la campagne cubjacoise. La nuit vient à peine de tomber, nous sommes tous les deux-là réunis autour d’une table, la nature à perte de vue, nous partageons un verre, et pas n’importe lequel… un rouge, un Pécharmant. À ses premiers mots prononcés, je reconnais sans hésitation aucune une voix familière. Cette même voix qui pendant plus de 15 ans a accompagné tous les matins les auditeurs d’Europe 1. 1959, « Bonjour Monsieur le Maire », une émission de radio, véritable hymne à la France rurale. Pierre Bonte m’offre un véritable moment de partage intense où il me livre sans détour et uns à uns ses souvenirs d’homme de radio et de télévision, son attachement particulier pour cette campagne qu’il affectionne par-dessus tout. La rareté d’un instant où l’on se plait à remonter le temps, que l’on savoure avec délectation, tel ce verre de Pécharmant, nous révélant fièrement tous ses secrets.

La chance d’une vie

À 23 ans, ce jeune journaliste originaire d’une commune de la banlieue de Lille, Péranchies, a la chance d’intégrer la station de radio Europe 1 un an après sa création en 1956. Trois ans plus tard, son rédacteur en chef, visionnaire, lui propose un projet audacieux, une nouvelle émission intitulée « Bonjour Monsieur le Maire ». L’objectif étant de créer un lien authentique avec un public rural, de s’immerger dans la vie des villages en allant à la rencontre de leurs habitants. Pierre Bonte hésite, doutant d’un tel intérêt pour sa carrière naissante. Cependant, il ne pouvait prévoir à quel point cette décision allait non seulement changer sa vie, mais également façonner sa destinée en tant qu’homme de médias et ce lien indélébile qui allait se créer avec cette France rurale : « Au début, cette proposition ne me plaisait pas du tout. Je ne connaissais absolument pas la campagne, je venais de ma banlieue de Lille. Je n’étais jamais allé cueillir des champignons ou allé à la chasse avec mon père comme le font souvent les enfants de la campagne. Je me suis retrouvé à la tête de cette émission contre mon gré et cela a été pourtant la chance de ma vie. Au travers de mes reportages, je me suis ouvert à un monde que j’ignorais totalement comme beaucoup de citadins. Je devais présenter sous forme d’interviews une commune tous les matins, j’ai découvert jour après jour en même temps que les auditeurs cette France rurale. Je suis particulièrement attaché à cette unité collective, la France c’est la découverte des communes, c’est la rencontre avec des maires, des habitants qui aiment et sont passionnés pour le village dans lequel ils vivent. C’est précisément cela que j’ai voulu transmettre pendant 15 ans, un hommage à ces femmes et hommes fidèles à leur territoire. » nous livre avec
émotion Pierre Bonte.

 

La France rurale à corps et à cœur

Au fil de ses pérégrinations à travers les différentes régions de l’hexagone, Pierre Bonte a été définitivement conquis par le charme authentique de la vie rurale. Son immersion dans les réalités de la France profonde a révélé chez lui son attachement sincère pour les traditions et la beauté des campagnes françaises. Il a su parfaitement en capter l’essence même, devenant un ardant défenseur de la préservation de cet héritage culturel. Le journaliste nous dévoile sa passion pour la ruralité : « Je me suis rendu compte que dans ce monde rural il y avait beaucoup de problèmes, à l’époque de l’exode rural, les communes pleuraient car elles voyaient partir leurs jeunes. Mais il y avait malgré tout une forme de bonheur qui était présent. Je me suis pris de cœur et de passion pour cette France. Cela a été un coup de foudre.

 

J’avais la chance d’avoir un micro et une antenne pour faire entendre la voix de ces élus locaux et de tous ces présidents d’associations qui se battaient pour essayer de faire vivre leur village. J’ai trouvé que c’était une cause nationale qu’il fallait défendre. Alors toute ma vie au travers de mes émissions, de mes livres, j’ai continué de mener cette « campagne d’information ». J’ai joué mon rôle de journaliste tout simplement, afin d’utiliser les médias pour faire connaître l’art de vivre dans les régions, dans les villages et les richesses de cette diversité énorme que l’on peut trouver dans tout le territoire français. Et depuis, je me suis marié avec cette France rurale en quelque sorte, j’ai été leur porte-parole, ils m’ont adopté. Je suis fier d’avoir pu contribuer à faire redécouvrir la France profonde à travers mes émissions et avoir fait prendre conscience aux français, en particulier aux citadins, qu’il y avait là des trésors inestimables à préserver. »

 

 

L’éloge du Périgord : rendez-vous de l’art de vivre et de la gastronomie

Le premier rendez-vous avec ce Périgord remonte au début des années 60, lors d’une émission quotidienne de « Bonjour Monsieur le Maire ». Pierre Bonte en gardera un souvenir impérissable. Ces terres ont éveillé en lui sa passion pour l’art de vivre, son amour pour la gastronomie et lui a offert des rencontres inoubliables : « le premier souvenir du Périgord qui me reste gravé, c’est cette tournée en région que j’avais fait avec Sylvain Floirat, il était à l’époque le Président d’Europe 1. Originaire de Dordogne, il avait souhaité que je fasse une émission sur sa terre natale. Je me souviens de mon arrivée dans ce petit village du Périgord Vert, Saint-Germain-des-Près. Rien que ce nom, laissait présager de magnifiques découvertes. J’avais été accueilli d’une
façon formidable par une famille d’éleveurs de canards et producteurs de foie gras qui avait créé sur leur exploitation la vente directe de produits à la ferme. Pour les années 60, cela est assez innovant.

Nous avions partagé un magret de canard cuit sur un  barbecue et nous avions terminé en faisant chabrot après la soupe. Tout cela ce sont des images passées qui m’ont marqué et qui sont vraiment accrochées à l’image que j’ai du Périgord. » Au cours de sa riche carrière, à l’évocation du Périgord, Pierre Bonte n’a jamais cessé de hisser ce coin de France au sommet de son admiration : « Le Périgord est une des régions qui incarne le mieux l’image que j’ai et que j’aime de la France paysanne. Une France qui malheureusement est en voie de disparition. Le charme du monde rural ce sont les agriculteurs, les paysans qui l’ont créé, qui l’ont façonné depuis des décennies. Le Périgord a su garder cette culture paysanne qui caractérise si bien cette France rurale. C’est un endroit privilégié où l’on trouve un bâti considérable, exceptionnellement riche, une histoire millénaire et surtout ce qui m’a séduit, c’est le caractère des périgourdins qui reflète merveilleusement bien cet esprit de la vie à la campagne. Il y a une qualité d’hospitalité, on sait prendre son temps quand il le faut, on sait rester à table quand on est bien, on aime être avec les autres, on aime recevoir, tout ça est une forme de sociabilité qui moi m’enchante. ».

 

 

Le Périgord ne serait rien sans sa gastronomie et ses vins qui incarnent la splendeur de cette charmante région du Sud-Ouest. Pierre Bonte se révèle être un fin gastronome et un amateur éclairé des délices du Périgord : « Je suis un grand amateur de la gastronomie, je dirais plutôt de la cuisine familiale, celle qui reflète et sublime les richesses d’un terroir. Dans le Périgord, il y a des produits que l’on ne trouve nulle part ailleurs avec une qualité remarquable. Mais, il y a surtout des personnes qui savent bien les préparer et savent aussi faire partager ce plaisir de manger ensemble. Ce sont des raisons suffisantes pour aimer la cuisine périgourdine. J’adore le foie gras et toute la cuisine qui tourne autour du canard : le confit, le magret. Je suis également un amoureux de la truffe. Concernant les vins, j’aime beaucoup les vins du bergeracois et surtout le Pécharmant, qui au-delà de porter un nom séduisant, on n’est jamais déçu quand on le déguste. C’est un vin qui est capable d’accompagner des tas de plats différents. Je l’apprécie quand il reste sur le fruit et que l’empreinte boisée est finement fondue. »

Amitié et reconnaissance : d’authentiques trésors

Le 23 juin dernier, Pierre Bonte s’est vu élevé au rang de  chevalier de la légion d’honneur des mains mêmes du Président de la République, Emmanuel Macron. Pour ce collectionneur de bustes de Marianne (plus d’une centaine), symbole de la république, cette haute distinction a été reçue avec une certaine fierté mais sans jamais éclipser cette humilité qui le caractérise si bien : « J’ai 91 ans, j’ai reçu toutes ces années tellement de témoignages d’amitié de la part des gens de cette France rurale dans laquelle j’ai passé une grande partie de ma vie. Des gens croisés dans plus de 4 000 communes qui me sont restés fidèles et attachés. Pour moi, c’est cela mon trésor. Cette légion d’honneur m’a rendu fier, mais il y a tellement de personnes qui la mériterait plus que moi. Ces manifestations quotidiennes de reconnaissance n’ont pas de prix et ça c’est bien plus difficile à obtenir que la légion d’honneur… ».

 

Un écrin de sérénité au cœur du Périgord

Bien peu le savent, mais la campagne environnante du charmant village de Cubjac à 17 km au Nord-est de Périgueux, abrite un lieu où règnent le silence et la quiétude. Au milieu des chênes centenaires, un belvédère dressé fièrement, contemple de toute sa hauteur cette magnifique vallée de l’Auvezère. Un rosier fraichement planté, créé spécialement pour le journaliste par le célèbre rosiériste Michel Adam, ajoute une touche bucolique et solennelle à ce coin de paradis. Ce Belvédère porte le nom de Pierre Bonte. Erigé sur la propriété de son ami de plus de trente ans, le chef Philippe Mesuron, il rend hommage à cet homme qui toute sa vie durant s’est consacré à la défense et à la valorisation de cette France rurale. Pierre Bonte éprouve une certaine émotion face à cette stèle gravée à son nom le liant pour toujours à cette campagne du Périgord qu’il affectionne tant : « Ce belvédère représente exactement la France que j’aime… Il m’évoque ces endroits miraculeux, paisibles, silencieux desquels on a plus envie de bouger et où l’on est prêt à s’y fixer pour toujours. Je veux finir ma vie ici sur ce bout de terre, y reposer pour l’éternité. L’expression symbolique de mon attachement au Périgord et surtout pour remercier à ma manière tous ceux qui m’ont aimé et m’ont permis d’avoir cette vie-là. Georges Brassens voulait vivre sa mort en vacances, moi je vivrai ma mort dans le Périgord dans cet endroit magnifique, sur les hauteurs de la vallée de l’Auvezère… ».

Bibliographie de Pierre Bonte

Bonjour la France (Éditions CPE), Le bonheur était dans le pré (Éditions Albin Michel), C’était le bon temps, l’époque épique du Petit Rapporteur (Éditions Albin Michel), La France que j’aime (Éditions Albin Michel), Mes petites France (Éditions Fayard), La belle France (Le Passeur), Ces villages qu’on assassine (Le Passeur)

 

Texte & photos Bertrand Ballesta

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