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Quand le printemps pointe le bout de son nez, l’apparition des premières fraises sur les étals nous met l’eau à la bouche. Et si, cette année, nous allions voir d’où elles viennent ? Direction un coin discret mais délicieux du Périgord, où ces petits fruits rouges sont cultivés de mars à octobre. Prenez une carte du Périgord et, pile au cœur de la Dordogne, vous trouverez, dans le Périgord blanc, le territoire de Vergt et ses environs, le pays enchanteur de la Fraise du Périgord IGP.

Si vous avez choisi d’y aller à vélo, vous la sentirez dès les beaux jours : la fraise du Périgord mûrit lentement, c’est-à-dire sur plusieurs mois, dans les serres des producteurs. C’est au petit matin, à la fraîche, qu’on la cueille. Si la fraise est odorante, elle est aussi très fragile et doit être vendue aussitôt ramassée. D’où l’importance pour les producteurs de fraises de s’entourer de cueilleurs fiables et fidèles. Toute une histoire… que nous raconte Vincent Taulou, fraisiculteur à Cendrieux, comme l’étaient son père et son grand-père avant lui.

Produire des fraises, c’est un art : il faut de la patience, beaucoup de travail, et une pincée de chance, surtout côté météo. Pour cette nouvelle escapade savoureuse, Périgord Attitude Le Mag vous emmène à la découverte de ce fruit emblématique.

Entre savoir-faire et patience

Vincent Taulou a choisi de produire une partie de ses fraises en plein champ et une autre partie en hors sol. Pourquoi ce choix ? « Les fraises dont les plants sont mis dans le sol sont nettement plus chères à produire, il faut aussi avoir de la place car tous les trois ans on doit déplacer les serres… » Oui mais la production en sol est vendue sous l’Indication Géographique Protégée Périgord, tandis que les fraises hors sol, plus faciles à récolter, ne peuvent pas bénéficier de l’IGP.

La fraise est un fruit délicat à produire. Il est si apprécié des consommateurs qu’il faut faire vite pour leur servir des fraises mûres à point, dès le mois de mars. Mûres mais pas trop pour que les fruits se tiennent, qu’ils restent fermes sous la dent. La précocité n’est pas une mince affaire. Pour avoir des fraises avant la concurrence, il faut que la météo s’en mêle. La fraise a besoin de soleil pour mûrir, mais pas trop pour ne pas tourner en confiture. Avant même l’apparition des hampes florales, les plans de fraisiers ont besoin de froid pour se développer, mais pas trop pour ne pas geler.

 

 

 

 

 

 

Le premier fruit frais de l’année

« Cette année, nos Gariguettes, la plus précoce des fraises, ont commencé à mûrir à la mi-mars et on a pu étaler les récoltes. » Du soleil, sans trop de pics de chaleur, devrait permettre de les récolter jusqu’à la mi-juin. Ensuite, les fraisiers remontants prendront le relais, ils devraient produire jusqu’aux gelées. Grâce à cette diversité, le Périgord offre des fraises pendant de longs mois… pour notre plus grand bonheur.

Mais cette histoire aurait pu s’arrêter dans les années 1990, lorsque la filière a vacillé. De 20 000 tonnes, il est passé à une production moyenne de 8000 tonnes aujourd’hui. « La Fraise du Périgord était victime de la concurrence étrangère qui arrivait plus précoce sur les marchés, il fallait réagir », explique Sylvain Dureux, responsable technique de la filière à la coopérative Socave basée à Vergt.

C’est ainsi qu’est née l’IGP Fraise du Périgord en 2004, fruit d’un travail collectif pour valoriser un savoir-faire local, en définissant les variétés autorisées, les pratiques culturales, et surtout, en affirmant une “signature du goût”. « C’est un cahier des charges exigeant, mais essentiel pour défendre notre identité », résume Sylvain Dureux. Toute une profession s’est structurée autour de la fraise pour organiser sa commercialisation et diversifier ses débouchés.

 




Le premier fruit frais de l’année

Aujourd’hui, 8 variétés sont autorisées par le cahier des charges IGP : la Gariguette, sans doute la plus connue, mais on trouve aussi la Cléry, la Darselect, la Magnum, la Mara, la Charlotte et la Murano. Certaines ont la préférence des grossistes, d’autres celles des grandes surfaces, mais toutes ont été validées par l’INAO et par un panel de consommateurs, parmi lesquels des chefs étoilés, pour dire si oui, la variété qui entre dans l’IGP a toutes les qualités pour faire partie du clan très fermé de la Fraise du Périgord IGP.

Alors une telle fraise a droit à tous les égards. Vincent Taulou ne lésine pas quand il s’agit de protéger ses Gariguettes, véritables produits d’appel selon lui qui lui permettent de réaliser 25 % de son chiffre d’affaires. Plusieurs filets de protection sont prêts à être actionnés dans ses serres, en cas de pépin climatique. Un pour la protection thermique en cas de gel printanier, un autre pour l’ombrage si le soleil venait à se montrer trop conquérant.

Installé sur la ferme familiale à Cendrieux depuis 1984, il a maintenu son activité les années de crise en se diversifiant dans la production de palmipèdes, mais jamais il n’a abandonné la fraise. Avec son équipe de trois salariés permanents, dont il peut prolonger les contrats de travail grâce à la fraise hors sol qui produit jusqu’en novembre, il a trouvé son équilibre entre fraises IGP et fraises hors sol. Pour lui, rien d’incompatible, au contraire. Par contre, il ne se passerait pas de ses Gariguettes qui restent « le premier fruit frais de l’année ».

Certifié Bee friendly, il favorise la venue des abeilles dans ses serres, et lâche des bourdons qui viennent butiner plus tôt dans l’année et donc contribuent à faire fleurir les hampes des fraisiers dès février. Dans ses champs, comme dans ceux de ses voisins, la précocité fait le revenu : il ne faut pas rater le lancement de la saison. Mais rien ne vous empêche de manger des fraises toute l’année (ou presque) et de visiter, nez au vent, le bassin historique qui a vu éclore et se développer la célèbre fraise du Périgord.

 


L’interview

En chemin avec Sylvain Dureux

Le responsable technique de la coopérative Socave (Société coopérative agricole de Vergt) nous en dit plus sur l’IGP Fraise du Périgord.

 



 

Que représente la fraise Périgord IGP ?
Sur les 2200 tonnes de fraises qui passent par la coopérative Socave, on compte 300 tonnes de Gariguettes et 600 tonnes de fraises rondes IGP-isables. Cela veut dire qu’elles ont été produites selon les règles du cahier des charges de l’Indication géographique protégée et qu’elles seront commercialisées comme étant des fraises IGP auprès de la distribution, mais celle-ci utilisera ou pas le logo Périgord IGP. Environ 1000 tonnes de nos fraises sont vendues sous marque distributeur qui n’a pas forcément besoin de s’appuyer sur la signature IGP Périgord.

Donc parfois le consommateur peut manger des fraises IGP sans le savoir…
L’important est que le consommateur sache qu’il peut trouver des fraises du Périgord près de chez lui, où qu’il se trouve en France, et qu’il les trouve bonnes. La fraise du Périgord a été la première fraise européenne à obtenir une IGP, c’est-à-dire la reconnaissance d’un savoir-faire historique. On trouve une production de fraises à Vergt depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale. L’histoire de ce bassin de production, identifié par ses terrains sableux, est marquée par une identité commune. La Socave est née de la volonté des fraisiculteurs d’assurer la traçabilité de leur production en s’organisant en coopérative. Les habitants de Vergt se souviennent des producteurs arrivant en 4L pour vendre leurs fraises au marché au cadran. C’est une histoire commune.

 

Pour vous, l’IGP est avant tout une façon de revendiquer cette identité ?
L’IGP, c’est une signature de goût. L’assurance que les fraises que l’on retrouve sous cette distinction auront été produites conformément à un cahier des charges strict, avec des variétés qui ont été sélectionnées par des professionnels du goût. Cette production est exigeante. Elle demande de renouveler les variétés et aussi pas mal d’attention et un surcroît de travail du fait que la fraise du Périgord doit impérativement être implantée en plein champ et changer de parcelle tous les trois ans. C’est des coûts de main d’œuvre en plus et pas mal de surveillance. Surtout que le réchauffement climatique perturbe un peu les choses.

Justement, comment les fraisiculteurs s’adaptent-ils au réchauffement climatique ?
Tous les producteurs savent gérer l’ensoleillement puisqu’ils cultivent leurs fruits sous abri et peuvent rajouter des filets d’ombrage. Par contre, ils n’ont pas assez de jours froids pour avoir des plants de qualité. Les fraisiers ont besoin d’une période de vernalisation pour se développer. Parce que nos hivers sont de moins en moins froids, les tray plants passent systématiquement par l’étape frigo pour pouvoir fleurir et produire des fraises de qualité. C’est un gage d’efficacité, mais cela demande du travail et des coûts en plus. C’est le prix à payer pour que la fraise reste ce premier fruit frais du printemps qui enchante nos papilles dès les beaux jours de son arôme si reconnaissable. Vous imaginez, dans l’arôme d’une seule fraise, pas moins de 400 composés aromatiques sont à l’œuvre. Une vraie œuvre d’art !

 

Texte : Nelly Fray
Photos : Loïc Mazalrey

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